Par McInnes Cooper

Les provinces et territoires canadiens continuent de légiférer rapidement sur les exigences en matière de paiements rapides, mais leur entrée en vigueur ne prend pas effet partout si rapidement. Le Nouveau-Brunswick est la dernière province du Canada atlantique à avoir adopté une loi sur le paiement rapide, mais la Loi sur les paiements rapides et les règlements des différends dans le secteur de la construction du Nouveau-Brunswick n’est toujours pas entrée en vigueur. Pour vous aider à vous préparer à vous conformer à la Loi sur les paiements rapides et les règlements des différends dans le secteur de la construction, voici les réponses à trois questions fréquemment posées. 

  • Qu’est-ce que la législation sur les paiements rapides?

La législation sur les paiements rapides fixe généralement des délais maximaux obligatoires pour l’émission, la contestation et le paiement des factures et crée un système spécial pour régler les différends relatifs au non-paiement et au montant du paiement. De façon générale, les objectifs de la législation sur les paiements rapides sont les suivants :

Réduire les retards de paiement. L’un des objectifs est de réduire les retards de paiement tout au long de la pyramide de la construction. Ainsi, que vous soyez un entrepreneur, un sous-traitant, un sous-sous-traitant ou un fournisseur, vous devriez être payé plus promptement. D’autre part, si vous êtes propriétaire, vous serez tenu de payer vos entrepreneurs plus promptement. En pratique, toutefois, la Loi pourrait avoir d’importantes répercussions sur le flux de trésorerie des propriétaires.

Réduire les retards dans les projets. Un autre objectif est d’éviter ou de minimiser les retards de projet causés par les disputes concernant les paiements. Le règlement intérimaire des différends peut aider les entrepreneurs et les autres acteurs de la pyramide de la construction à être payés plus rapidement sans interrompre les travaux. Toutefois, il subsiste de l’incertitude quant au caractère « final » de ces décisions de règlement intérimaire, ainsi qu’aux personnes autorisés à trancher ces différends. Jusqu’à présent, seules quatre ressorts canadiens disposent de législation en vigueur sur le paiement rapide, quoique bien d’autres y travaillent :

  • En 2019, l’Ontario est devenue le premier ressort canadien à mettre en vigueur une loi sur le paiement rapide.
  • En 2022, la Saskatchewan et l’Alberta lui ont emboîté le pas.
  • En décembre 2023, la Loi fédérale sur le paiement rapide des travaux de construction est entrée en vigueur.
  • La Nouvelle-Écosse, le Manitoba, le Québec (dans une certaine mesure) et plus récemment le Nouveau-Brunswick ont tous adopté, sans avoir entré en vigueur, une loi sur le paiement rapide.

La Loi sur les paiements rapides et les règlements des différends dans le secteur de la construction du Nouveau-Brunswick a été adoptée le 16 juin 2023. Cependant, la loi n’est toujours pas entrée en vigueur et on ne sait pas quand elle le sera. Les règlements pris sous la Loi joueront probablement un rôle important dans le régime de paiements rapides du Nouveau-Brunswick, mais ceux-ci n’ont toujours pas été publiés et il se peut qu’ils ne le soient que lorsque la Loi entrera en vigueur.

  • Quelles sont les principales caractéristiques de la loi sur les paiements rapides du Nouveau-Brunswick ?

Tout comme la loi sur les paiements rapides de la Nouvelle-Écosse, la Loi reflète généralement la loi sur les paiements rapides de l’Ontario.

Application. La Loi s’applique à presque tous les contrats de construction publics (c.-à-d. gouvernementaux) et privés, à tous les niveaux de la pyramide de la construction, sauf s’ils sont exemptés par règlement. Les parties ne peuvent pas à même le contrat se soustraire à l’application de la Loi dans les cas où elle s’applique.

La « facture en bonne et due forme ». La réception d’une « facture en bonne et due forme » déclenche les délais prévus par la Loi. Il est donc essentiel que tous les membres de la pyramide de la construction comprennent ce qu’est une « facture en bonne et due forme ». La loi définit une « facture en bonne et due forme » comme une facture écrite ou une autre demande de paiement pour des services ou des matériaux destinés à une amélioration dans le cadre d’un contrat, qui contient :

  • Les nom et adresse de l’entrepreneur.
  • La date de la facture.
  • La somme due pour les services ou matériaux fournis ainsi que les modalités de paiement. La somme due de la facture en bonne et due forme demeure assujettie aux exigences normales de retenue en garantie qu’exige la Loi sur les recours dans le secteur de la construction du Nouveau-Brunswick.
  • La date à laquelle ou la période au cours de laquelle les services ou les matériaux ont été fournis.
  • Une description, y compris la quantité, s’il y a lieu, des services ou matériaux fournis.
  • Une indication de l’autorisation, contractuelle ou autre, en vertu de laquelle les services ou les matériaux ont été fournis.
  • Les nom, titre, numéro de téléphone et adresses courriel et postale du destinataire du paiement.
  • Tout autre renseignement par règlement (pas encore publiés).

Sauf indication contraire dans le contrat, les « factures en bonne et due forme » doivent être émises mensuellement et leur émission ne peut pas être subordonnées à la certification préalable d’un certificateur pour paiement. Toutefois, une partie peut réviser une facture en bonne et due forme après l’avoir émise si le propriétaire y consent au préalable, si la date de la facture ne change pas et si la facture répond toujours à toutes les autres critères d’une « facture en bonne et due forme ».

Délais de paiement et litiges. La Loi fixe également les délais dans lesquels les membres de la pyramide de la construction doivent effectuer les paiements :

  • Le propriétaire. Le propriétaire dispose de 28 jours à compter de la réception d’une facture en bonne et due forme pour payer l’entrepreneur, y compris les montants non contestés dans l’avis de non-paiement.
  • Contestations. Le propriétaire dispose de 14 jours à compter de la réception d’une facture en bonne et due forme pour contester tout ou partie de la facture en émettant un « avis de non-paiement ». La loi ou les règlements (qui n’ont pas encore été publiés) définiront la forme de « l’avis de non-paiement », qui indiquera le montant de la somme que le propriétaire refuse de payer et les raisons du non-paiement.
  • Entrepreneur. Le contractant dispose de 7 jours à compter de la date à laquelle il reçoit le paiement du propriétaire pour payer le(s) sous-traitant(s) dont les travaux font partie de la facture en bonne et due forme. À la demande d’un sous-traitant, l’entrepreneur doit lui fournir des informations sur les dates d’échéance des paiements, les dates de réception des paiements et les dates des factures en bonne et due forme d’un entrepreneur et/ou d’un autre sous-traitant dont celui-ci est en droit de recevoir un paiement. Un entrepreneur peut effectuer un paiement partiel aux sous-traitants s’il qu’il a reçu un avis de non-paiement de la part du propriétaire contestant la facture en bonne et due forme et n’a pas été payé. Toutefois, l’entrepreneur doit verser à ses sous-traitants le solde de tout montant impayé qui lui est dû dans un délai de 35 jours à compter de la date de la facture en bonne et due forme, à moins qu’il n’émette un avis de non-paiement à l’intention du sous-traitant. Cela signifie qu’un entrepreneur peut être tenu de payer ses sous-traitants même si le propriétaire ne l’a pas payé.
  • Sous-traitant. Le sous-traitant dispose de 7 jours à compter de la date à laquelle il a reçu le paiement de l’entrepreneur pour payer ses sous-traitants et fournisseurs.

Les intérêts. Les intérêts courent et sont dus sur les montants non payés dans les délais prescrits, au taux prévu par règlement (qui n’a pas encore été publié) ou à un taux plus élevé convenu entre les parties au contrat. 

Employés. Un employeur (un entrepreneur, un sous-traitant ou un sous-sous-traitant/fournisseur) doit continuer à payer ses employés même s’il y a une interruption des paiements en bas de la pyramide de la construction.

Règlement intérimaire. Le règlement intérimaire des différends vise à résoudre les litiges en matière de paiements de manière rapide et relativement informelle, sans cause d’incidence ou de retard sur les projets de construction.

  • Renvoi au processus de règlement des différends. Une partie peut soumettre au règlement intérimaire des différends prévu par la Loi « un différend à l’égard d’un paiement », y compris le non-paiement, le montant du paiement, les ordres de modification (acceptés et non-acceptés), les propositions d’ordre de modification et l’évaluation des services ou des matériaux, en vertu du contrat ou du sous-contrat. Toutefois, le renvoi doit avoir lieu avant l’achèvement des travaux prévus au contrat ou du sous-contrat, à moins que les parties n’en conviennent autrement. En outre, une partie peut soumettre un différend au règlement intérimaire des différends même si l’affaire fait l’objet d’une procédure judiciaire ou arbitrale, à moins que cette procédure n’ait définitivement tranché le litige.
  • Procédures judiciaires ou d’arbitrage. La décision de l’autorité des intervenants experts sera contraignante pour les parties jusqu’à ce que le projet soit arrivé à exécution substantielle, mais elle ne sera pas définitive. Il semblerait qu’une partie pourra toujours entamer une procédure judiciaire ou arbitrale même après que l’autorité des intervenants experts a rendu sa décision, à moins qu’un tribunal ou un arbitrage n’ait déjà tranché les questions en litige. La Loi permet également à une partie de demander à un tribunal de procéder à la révision judiciaire (une procédure par laquelle un tribunal ne réentend pas le litige mais examine la décision pour vérifier si elle est correcte ou raisonnable, en fonction de la nature de la question) de la décision de l’autorité des intervenants experts.
  • Les frais. Les parties supportent leurs propres dépens devant l’autorité des intervenants experts.

Au-delà de ce qui précède, nous ne savons pas exactement à quoi ressemblera le règlement intérimaire des différends, ni qui constituera l’autorité des intervenants experts. Cela semble être la pierre d’achoppement de l’entrée en vigueur de la Loi. Il est probable que le régime ressemblera à un arbitrage interne privé (bien que moins informel) pour trancher les litiges, avec des adjudicateurs potentiellement nommés par le gouvernement. Toutefois, aucun tel arbitre n’a encore été nommé et il subsiste une certaine incertitude quant à leur identité.

Ontario. En Ontario :

  • La responsabilité du règlement des litiges est confiée à un service distinct.
  • Les parties peuvent soit choisir un adjudicateur à partir d’une liste approuvée de l’Ontario Dispute Adjudication for Construction Contracts (ODACC), soit demander à l’ODACC de nommer un adjudicateur.
  • L’adjudicateur définit la procédure et décrit les observations qu’il exige dans les cinq jours suivant sa nomination. Il doit rendre une décision dans les 30 jours suivant la fin des observations du demandeur, à moins que les parties ne conviennent d’une prolongation du délai.

Nouveau-Brunswick. Il existe plusieurs options pour le Nouveau-Brunswick, mais il reste à voir laquelle (ou lesquelles) la province retiendra, et quand :

  • Des adjudicateurs « employés » du gouvernement, comme en Ontario.
  • Les adjudicateurs actuels de la Cour des petites créances.
  • Les juges de la Cour supérieure, la Cour du Banc du Roi.
  • Les avocats du secteur privé, soit sur une base ad hoc, soit en établissant une « liste » approuvée.
  • Les membres de l’industrie, soit sur une base ad hoc, soit en établissant une « liste » approuvée.

Paiement et exécution. Une partie ordonnée de payer doit le faire dans le délai fixé par règlement (qui, nous réitérons, n’a pas encore été publié). Les intérêts courent sur ces montants. S’ils ne sont pas payés, l’entrepreneur ou le sous-traitant peut suspendre les travaux prévus par le contrat ou le sous-contrat jusqu’à ce que le montant soit payé, sans que cela ne constitue une violation du contrat. Une partie peut déposer la décision de l’autorité des intervenants experts auprès du tribunal et celle-ci est exécutoire comme s’il s’agissait d’une ordonnance de la cour. Les délais à respecter devraient être précisés aux règlements.

  • Comment puis-je me préparer à la législation du Nouveau-Brunswick en matière de paiement rapide?

La Loi et la mise en œuvre d’un régime de paiement rapide auront un impact significatif sur tous les membres de la pyramide de la construction. La loi ontarienne comporte des règles de transition claires qui stipulent que les procédures de passation de marchés ou les contrats conclus avant l’entrée en vigueur de la législation sur le paiement rapide n’y sont pas soumis. La proposition de loi de la Nouvelle-Écosse ne contient pas de telles dispositions, bien qu’elle stipule que les règlements peuvent exempter certains contrats de construction ou certaines catégories de contrats de construction des nouvelles exigences. De même, la Loi du Nouveau-Brunswick indique clairement qu’elle s’applique à tous les contrats conclus après la date d’entrée en vigueur de la Loi, mais que les règlements peuvent exempter certains contrats. Entretemps, en plus d’être à l’affut de l’entrée en vigueur de la Loi, les propriétaires et les entrepreneurs peuvent commencer à planifier dès maintenant la possibilité que les nouvelles exigences s’appliquent aux contrats conclus après la date d’entrée en vigueur de la loi. Voici trois outils qui aideront les propriétaires et les entrepreneurs à planifier leurs projets de construction en mettant en place les procédures qui leur permettront de tirer profit de la nouvelle législation et de s’y conformer.

Rénovez votre facture. Mettez à jour vos factures types dès maintenant afin de vous assurer qu’elles contiennent toutes les informations nécessaires pour constituer une « facture en bonne et due forme » au sens de la Loi. C’est essentiel pour vous permettre de vous conformer aux nouvelles dispositions en matière de paiements rapides afin d’en tirer parti. Il sera également important de vous assurer que vous émettez vos factures dans les délais prescrits par règlements, lorsque les informations sont disponibles.

Développez vos procédures administratives et de tenue des dossiers. Passez en revue vos procédures administratives et de tenue des dossiers afin de vous assurer que vous serez en mesure de vous conformer aux dispositions de la loi sur le paiement rapide et d’en prendre avantage. Vous pourriez considérer :

  • Affecter une personne à l’émission ou à la réception des factures conformément à un processus normalisé.
  • La mise en place d’un système permettant d’enregistrer méticuleusement les dates d’émission et de réception des factures deviendra essentielle pour s’assurer de ne pas manquer l’occasion de contester une facture ou de ne pas envoyer l’avis de non-paiement à temps. Un système automatisé permettant de saisir les dates limites d’envoi des avis de non-paiement en même temps que la date de la facture sera aussi utile.
  • Lorsqu’un certificateur pour paiement est impliqué, il convient de s’assurer de l’informer des délais ajustés une fois en vigueur afin qu’il puisse examiner les factures et certifier les paiements à l’intérieur du délai pour permettre au propriétaire d’envoyer un avis de non-paiement, si nécessaire.

Révisez les conditions de votre contrat. Vous ne pouvez pas vous soustraire à l’application de la nouvelle Loi. Cela signifie que les clases de type « paiement sur paiement » (accords stipulant que « nous vous paierons lorsque nous serons payés ») ne seront probablement pas exécutoires lorsque la Loi entrera en vigueur. Vous pouvez également envisager fixer un taux d’intérêt particulier dans vos contrats.

Cet article n’a qu’une valeur informative. Il ne s’agit pas d’un avis juridique. McInnes Cooper exclut toute responsabilité quant au contenu ou à l’utilisation de cet article. McInnes Cooper, 2024. Tous droits réservés.